La Boetie II

Publié le par Snorri de Gotland

Ce dict maint un de moy : Dequoy se plainct il tant,

Pendant ses ans meilleurs en chose si legiere ?

Qu'a il tant à crier, si encore il espere ?

Et s'il n'espere rien, pourquoy n'est-il content ?

 

Quand j'estois libre et sain, j'en disois bien autant.

Mais, certes, celuy là n'a la raison entiere,

Ains a le coeur gasté de quelque rigueur fiere,

S'il se plainct de ma plaincte, et mon mal il n'entend.

 

Amour tout à un coup de cent douleurs me point,

Et puis lon m'advertit que je ne crie point.

Si vain je ne suis pas que mon mal j'agrandisse

 

A force de parler : s'on m'en peult exempter

Je quitte les sonnets, je quitte le chanter ;

Qui me deffend le deuil, celuy là me guerisse

 

Quant à chanter ton los parfois je m'adventure,

Sans oser ton grand nom dans mes vers exprimer,

Sondant le moins profond de cette large mer,

Je tremble de m'y perdre, et aux rives m'asseure.

 

Je crains, en louant mal, que je te face injure.

Mais le peuple, estonné d'ouïr tant t'estimer,

Ardent de te cognoistre, essaye à te nommer,

Et cherchant ton sainct nom ainsi à l'adventure,

 

Esblouï n'attaint pas à veoir chose si claire ;

Et ne te trouve point ce grossier populaire,

Qui, n'ayant qu'un moyen, ne veoit pas celuy-là :

 

C'est que s'il peult trier, la comparaison faicte

Des parfaictes du monde, une la plus parfaicte,

Lors, s'il a voix, qu'il crie hardiment : La voylà.

 

Quand viendra ce jour là, que ton nom au vray passe

Par France, dans mes vers ? combien et quantesfois

S'en empresse mon coeur, s'en demangent mes doigts ?

Souvent dans mes escripts de soy mesme il prend place.

 

Maugré moy je t'escris, maugré moy je t'efface.

Quand Astree viendroit, et la foy, et le droict,

Alors joyeux, ton nom au monde se rendroit.

Ores, c'est à ce temps, que cacher il te face,

 

C'est à ce temps maling une grande vergoigne.

Donc, madame, tandis tu seras ma Dourdouigne.

Toutefois laisse moy, laisse moy ton nom mettre ;

 

Aye pitié du temps : si au jour je te mets,

Si le temps ce cognoist, lors, je te le promets,

Lors il sera doré, s'il le doit jamais estre.

 

O, entre tes beaultez, que ta constance est belle !

C'est ce coeur asseuré, ce courage constant,

C'est, parmy tes vertus, ce que l'on prise tant :

Aussi qu'est il plus beau qu'une amitié fidelle ?

 

Or, ne charge donc rien de ta soeur infidelle,

De Vesere ta soeur : elle va s'escartant

Toujours flottant mal seure en son cours inconstant.

Veoy tu comme à leur gré les vents se jouënt d'elle ?

 

Et ne te repens point, pour droict de ton aisnage,

D'avoir desjà choisi la constance en partage.

Meme race porta l'amitié souveraine

 

Des bons jumeaux, desquels l'un à l'aultre despart

Du ciel et de l'enfer la moitié de sa part ;

Et l'amour diffamé de la trop belle Heleine.

Publié dans Poésie

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C
continue on est tous admiratif<br /> bises<br /> cat
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